L’association GSC et le groupe Altares publient une nouvelle édition de l’observatoire de l’emploi des entrepreneurs. Près de 30 000 managers ont perdu leur emploi au premier semestre 2024, soit une augmentation de 18,4 % sur un an. Quelle analyse faites-vous de la situation ?
Aujourd’hui, le tissu économique des entrepreneurs, créateurs de valeur et de richesse en France, se trouve dans une situation complexe. Il est temps de nous y concentrer et d’en prendre soin. C’est pour parler de ceux dont on ne parle jamais que nous avons créé ce baromètre. On parle souvent d’entrepreneuriat mais, dès que le navire chavire, c’est comme si nous n’existions plus.
Face aux résultats du premier semestre 2024, avec près de 30 000 managers qui ont cessé leur activité, nous avons souhaité interpeller l’opinion publique. La situation était prévisible, mais elle reste sans précédent. Nous sommes confrontés à une crise dans la crise, et nous dépassons les chiffres de 2016.
« Se protéger ne veut pas dire que leur idée d’entreprise est mauvaise »
En cas de perte d’emploi, contrairement aux salariés, les entrepreneurs n’ont pas droit à l’assurance chômage. L’entrepreneuriat, c’est bien, mais c’est aussi dangereux. La chute n’est pas une mauvaise chose car le succès implique aussi l’échec. Mais les chefs d’entreprise doivent savoir que des solutions de protection existent et qu’elles peuvent les aider en cas d’échec. Il faut prendre à bras le corps ce sujet de l’échec entrepreneurial.
Quelles solutions mettre en place pour ces dirigeants en situation d’échec ?
Il est possible de se protéger en souscrivant un contrat auprès d’une assurance privée. L’assurance perte d’emploi permet de percevoir des revenus en cas de perte du statut d’entrepreneur ou de mandat social. Se protéger ne signifie pas que l’idée d’entreprise de l’entrepreneur est mauvaise mais que des éléments extérieurs peuvent vous abattre.
Les entrepreneurs ne sont pas suffisamment conscients de cette problématique. Facilitons l’accès à l’information à ces hommes et femmes chefs d’entreprise. Cela nécessite une coordination par département, au niveau local, avec les représentants économiques des préfectures.
Nous parlons d’entrepreneurs de tous les jours, l’âge moyen des managers ayant perdu leur emploi est de 46 ans. Ils comptent 3 salariés et réalisent moins de 500 000 € de chiffre d’affaires. Ils sont présents dans leur entreprise du matin au soir, cherchent à développer leur activité, gèrent les RH, les dossiers Cerfa, etc.
Dans ce contexte, quel est le rôle de l’association GSC ?
L’association GSC a été créée par des chefs d’entreprise et des organisations patronales (Medef, CPME et U2P) il y a 45 ans. L’idée était de proposer une solution aux chefs d’entreprise qui n’ont pas droit à l’assurance chômage. L’association propose des produits d’assurance auprès de plusieurs assureurs qui tiennent compte des spécificités des chefs d’entreprise.
L’ADN de l’association est de promouvoir l’entrepreneuriat et de sensibiliser au risque entrepreneurial. Tout le monde peut devenir chef d’entreprise mais tout le monde n’est pas obligé de le devenir, il faut arrêter les discours trop enthousiastes car 4 entreprises sur 10 ne passent pas la barre des 5 ans selon l’Insee. Jusque-là, 50 000 entrepreneurs perdaient chaque année leur entreprise devant les tribunaux, en 2024 nous risquons d’atteindre 60 000. Et cela ne diminuera pas en 2025.
Toutefois, certains signaux macroéconomiques sont positifs, avec une amélioration du climat des affaires et un redémarrage progressif de la croissance. Les entreprises n’en profitent pas ?
Allez interviewer les 8 000 chefs d’entreprises du BTP tombés au premier semestre. La situation est inédite dans ce secteur mais était gagnée d’avance. L’arrêt des permis de construire (en baisse de 25% sur un an, NDLR) a provoqué un effet domino.
« Globalement, il n’y a aucun territoire ni secteur dans le vert »
L’inflation, la hausse des taux, les prix des matières premières, la disponibilité des produits n’étaient pas anticipés. Les économistes pensaient que la rénovation du bâtiment compenserait le déclin de la construction, mais ce n’est pas le cas. Dans d’autres secteurs, on constate que la restauration traditionnelle résiste mais que la restauration rapide est en baisse. Globalement, il n’y a aucun territoire ou secteur dans le vert.
Que se passe-t-il pour les dirigeants face à l’arrêt de leur activité ?
A leur sortie du tribunal de commerce, c’est une course contre la montre pour retrouver au plus vite un revenu, tout en pleurant la perte de leur entreprise. Lorsque vous contractez également un emprunt pour votre entreprise, vous êtes un garant personnel, vous devez donc le rembourser. Le risque de dépression est important et des associations comme l’Apesa (Assistance Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance Aiguë) peuvent répondre à cette détresse. Pour les managers qui disposent d’une assurance, 30 % d’entre eux rebondissent dans l’année. Car souvent, les entrepreneurs ont envie de recommencer.